Tauxique

Publié le par On Shore

immobilier-pret-credit-taux-interet.jpgLes taux d’emprunt immobilier affichent des courbes inversement proportionnelles au prix de l’achat du bien.

Ainsi, depuis 1945-autant dire depuis l’histoire des taux eux-mêmes- le crédit n’a jamais été aussi peu cher. Est-ce donc une bonne ou une mauvaise nouvelle ? La réponse n’est pas forcément tranchée puisqu’elle dépend de quel côté du portail on se trouve.

Les banques, dans leur stratégie commerciale face aux prix d’accession, frisant une certaine indécence, ne peuvent de toute façon faire autrement. Et au vu de ces même tarifs –qui en plus ne cessent de grimper dans les grandes villes – elles rentrent largement dans la rentabilité.

En revanche, pour ce qui les concerne, il ne faudrait pas créer les conditions d’une nouvelle bulle prête à exploser dans quelques mois. Mais cela concerne plus les conditions d’accès au crédit qu’au taux lui-même. Mais comme les banques françaises jouent sur l’absence sérieuse de concurrence et d’offre différenciatrice, elles n’ont pas besoin de solliciter l’insolvable. Une crise à l’américaine semble donc être exclue par la nature même du système français. Comme quoi, on peut trouver des avantages dans à peu près tout.

Si vous vous trouvez en situation de vente (et si en plus vous ne comptez pas racheter ou racheter moins cher), la baisse des taux est bonne pour vous. Le prix du marché et la valeur de votre bien peuvent bien valoir les yeux de l’acheteur, ce n’est pas votre problème. Vous risquez juste de faire monter les enchères indéfiniment et de tergiverser avant de vous décider à vendre, surtout si vous n’êtes pas tenu de vendre pour nourrir votre famille ou pour cause de chômage ou divorce.

Si vous êtes côté acheteur, vous êtes déjà en train de vous gratter la tête pour bien choisir le bien de votre vie. Des taux bas vous évitent donc de vous arracher les cheveux et de sentir la calvitie poindre ou de vous sentir tondu de tous les côtés et fragilisé par tous les vents et tempêtes qui pourraient bientôt arriver. Déjà qu’il va falloir travailler jusqu’à la remise de la canne, faudrait pas pousser jusqu’au fauteuil roulant !

 

En revanche, si vous êtes jeune, vous pouvez déjà vous préparer à bientôt vous endetter, au point de continuer à rembourser, bien après l’arrivée de vos petits enfants, et de fréquenter de nouveaux amis rencontrés à la commission de surendettement. En effet, cette tendance un peu folle des prix excessifs devrait s’accentuer par de multiples phénomènes : la centralisation du travail et de l’économie autour des grandes villes, la crise (quand ça dure depuis 30 ans, peut-on encore parler de crise ?) du logement et de sa construction, le confort d’avoir son propre chez soi (surtout pour la retraite), les investissements extérieurs (chinois, russe, anglais, etc),…

 

Tu m’empruntes pour acheter à qui ? A moi ?

Le trait est un peu gros, mais on n’en est pas loin. C’est un nouveau modèle économique que l’on retrouve dans d’autres secteurs en termes de méthodes (EDF et les sociétés solaires, par exemple).

Certaines banques, en tous cas toutes les plus grosses et donc aussi celles de votre propre conseiller, ont (comme pour mieux boucler la boucle) créé des entités transversales liées à l’immobilier et même à la Promotion Construction, à la gestion et à la transaction. La BNP, le Crédit Agricole, la Caisse des dépôts et d’autres rachètent à tour de bras- et aussi grâce aux bénéfices records engendrés par d’autres marchés financiers- des immeubles, des sociétés spécialisées sur le secteur de la construction et même des agences immobilières disposées en réseau, avec un maillage stratégique, tellement le marché est juteux comme un fruit plus que mûr.

Acheter un bien immobilier est un projet de vie. L’expression n’a jamais si bien porté tout son sens. 140% d’augmentation en une douzaine d’années, 140 milliards accordés par les banques en 2010 (ce serait dommage de négliger ce marché), un taux à 3.30% constamment en baisse depuis 2008 : tout cela est la logique du système, non pas capitaliste mais financier.

Une finance qui préfère gérer des individus ou des communautés endettés (la Grèce, par exemple) parce qu’ainsi, ils sont plus dociles car plus aliénés à leur travail. Parce que ces gens-là continuent à croire que les gens sont fainéants alors que la plupart ne dénoncent pas leur travail mais leurs conditions d’exercice à celui-ci. Et pour que vive la finance, il faut non pas encadrer les prix du marché mais maîtriser les taux pour garantir que beaucoup investissent encore dans leur rêve légitime d’accéder et de pouvoir transmettre un patrimoine.

Heureusement, le gouvernement a pensé à eux : ils pourront désormais travailler plus longtemps et pouvoir ainsi rembourser plus aisément leurs dettes…enfin, s’ils ne sont pas licenciés à 55 ans.

Publié dans Brèves Off Shore

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